SES ËTRES D’IMMENSITE
Par vive et picturale possession, Jacob Diboum impose une trame élémentaire, dépouillée et avide, puis il jette la clef des codes. Surgies du souterrain, ses formes acérées, fantasmées et possédées, font disparaître tout inutile apparat. Il n’y a plus que la profondeur d’un espace habité, et dans cette mémoire d’outre-mémoire, le passé le plus lointain a pris notre passé. Ses formes vives sont installées comme sur un piédestal. Elles brûlent l’espace. Jacob Diboum ose priver l’étendue de ses multiples couleurs, il en resserre la gamme comme dans un étau mental. Ne reste que la peau fragile de l’essentiel… Et le pouvoir magique de l’incantation.
Ses dures apparitions sont des fulgurances, et la fièvre des profondeurs habite ces grands surgissants, ces chromatiques parfois étouffées. Formidable terrien, Jacob Diboum impose un art barbare et lumineux, exultant de sauvage santé, au poids immense de vie dévorante et de magma à peine apprivoisé.
Il réinvente la figure mythique des grands ancêtres, ceux de toutes les cultures du monde, et la face imposante de ses créatures toutes puissantes, implacables et bienveillantes, veille sur nos destins.
Ses grands formats sont autant de miroirs d’humanité, où se déploient nos corps d’origine. Ils sont faits d’éclats, de masses infinies, de cicatrices secrètes, et d’offrandes sublimes... Le fond de l’œuvre, écrasé sous les pas du jour, est espace sans fond. Diboum atteint le seuil fascinant où mystique et peinture s’épaulent et s’abîment. Il s’ouvre à ce qui le dépasse.
Jacob Diboum ne cesse de remettre de l’intensité là où il faut, c’est-à-dire partout où il y a des faux-semblants. Ses couleurs rares parlent le langage nu de la terre la plus ancienne. Elles envoûtent. Elles étreignent le monde charnel.
On voit des êtres totémiques, vêtus de pure peinture, des corps d’immensité, qui règnent sur l’opacité. Parfois, la tête penche, traversée de mélancolie, vers les êtres ordinaires et trop humains qui pataugent tout en bas… Parfois, sur le corps-espace, de petites taches, ou de fines empreintes, étoilent l’étendue de la peau, comme des traversées d’âme, ou d’infimes lieux de passages.
Jacob Diboum cultive les contrastes chromatiques qui font naître les plus vives énergies. Ses apparitions sacrales, superbes et enciellées, jaillissent comme des geysers. Il ne craint pas l’outrance qui sidère, il ne fuit pas la plus saisissante frontalité. Au contraire, il l’accule jusqu’à la plus forte tension. Ainsi les entités créées subliment l’espace, et protègent l’humanité.
Jacob Diboum, par son art de partage et de magie, est un merveilleux passeur. Il incante l’étendue. Autrefois tout s’imbriquait, les visages hétérogènes et les corps pluriels étaient travaillés par une métamorphose innombrable. Maintenant le corps prend l’univers à son compte, et l’univers a pris le corps pour demeure.
“J’ai commencé avec le corps de ma mère“ m’a-t-il dit.
Christian Noorbergen